Risques d'inondation : le maire refuse qu'on en parle
J'ai déjà eu l'occasion, en juin 2015, lors de pages précédentes de souligner le refus de la mairie de toute concertation sur les risques d'inondations dans la ville de Tours, pourtant très exposée. Dans la page Risques d'inondation : les experts dans leur bulle, j'avais montré comment, à côté d'un directeur de la DDT qui répondait à côté des questions posées, le maire avait quitté la salle en réunion d'information sur le PPRI (Plan de Protection contre les Risques d'Inondation). Sur la page La démocratie locale tourangelle toujours au plus bas j'avais montré comment la mairie refuse que le sujet soit concerté avec les habitants dans un groupe de travail de Conseil de Vie Locale.
Je n'avais pas parlé, auparavant, de la réunion de voeux du maire en janvier 2015, quartier Velpeau, premier quartier concerné par les crues, avec Beaujardin. J'y avais évoqué ce sujet et il avait refusé de répondre, de façon sèche. Pour les voeux de 2016, comme toute discussion a été refusée en 2015, je ne pouvais qu'évoquer ce sujet en public puisqu'on est en phase de concertation du PPRI et que la population sera, cette année, invitée à participer à une enquête publique. J'avais prévu de ne parler que de façon informative, sans mettre en cause la mairie. De l'ordinaire, finalement, mais c'était déjà trop demander...
Au deuxième semestre de 2015, les choses se sont à la fois précipitées et aggravées, et ça a failli être pire. Le sujet de crispation a été la digue du canal qui protège Tours contre les inondations. Il est assez probable que quand tout cela sera fini, je m'exprimerai longuement sur ce qui s'est passé. Mais ce qui suit montre que même si on est assez discret, même si on s'exprime posément, sans exaspération, le sujet est considéré comme tabou.
Pour résumer, l'Etat a essayé en 2015 de déclasser cette digue en catimini, sans la moindre enquête publique. Sous la pression de l'AQUAVIT qui a dénoncé le procédé, il y a finalement renoncé pour repositioner ce déclassement dans le cadre de la révision en cours du PPRI, et de son enquête publique (prévue en juillet 2016).
La mise en transparence de la digue du canal
Ce déclassement s'appuie sur une étude de dangers qui d'une part était supposée considérer la digue comme dangereuse à 100 % et d'autre part était inaccessible (contrairement aux autres études du PPRI). Donc on décidait d'après un document que presque personne n'avait lu ! Après maintes et maintes demandes de l'AQUAVIT, cette étude de juin 2013 a enfin été communiquée, fin décembre 2015. Son analyse (en cours) pourrait montrer qu'il y a quelques éléments étranges dans l'expertise, ce qui est hélas cohérent avec l'extrême discrétion employée. En fait, cette étude de dangers n'est pas si technique que ça, elle est abordable à toute personne curieuse (l'AQUAVIT la présente sur son site). Elle conclue sur un prolongement d'étude qui n'a pas été réalisé.
De ce PPRI et de ces risques d'inondation, la mairie n'en a jamais parlé à ses habitants, le journal municipal en fait foi. Et le quotidien "La Nouvelle République" agit de même. Comme si les citoyens ne devaient pas savoir que les risques considérés il y a 15 ans comme faibles étaient maintenant forts à très forts. Et la probabilité d'être inondé augmente significativement avec la "mise en transparence" prévue de la digue du canal, et il ne faudrait pas que ça se sache...
Hier 5 janvier 2016 au soir, le maire de Tours a présenté ses voeux aux habitants du quartier Velpeau. Au nom de l'AQUAVIT, je suis intervenu pour présenter la situation, donner les derniers éléments d'information. Mais je n'ai pas pu terminer, le maire m'a brutalement coupé la parole en m'accusant d'affoler la population et de gâcher la réunion. Je n'ai pas pu exprimer la volonté de l'AQUAVIT de discuter de ce sujet avec la mairie, cette réaction était hélas déjà une réponse.
Auparavant, dans son discours, le maire avait pourtant dit qu'il a la volonté de "partager les projets", d'être "accessible", d'être" attentif aux propositions". Il soutient le bénévolat, le respect de l'environnement... Et mieux encore, il est "attentif aux exaspérations"... [P.-S. Depuis il a franchi un cran supplémentaire : Certains diraient que j’ai le profil du sage
]
Il faudrait donc être bisounours pour s'exprimer dans une telle réunion, où certains sujets sont interdits, même quand ils concernent la sécurité de 100.000 habitants.
De plus, le peu de choses qu'a dit le maire sur le fond du sujet, d'un ton impératif, montre à quel point il méconnaît le sujet. En 1866, la ville n'a pas été inondée (c'était en 1856). Au contraire, cette année là, la digue a montré toute son efficacité en évitant que se réitère la catastrophe de 1856. Et il considère que ce n'est pas une digue, mais une levée de canal. D'abord les spécialistes eux-mêmes peuvent utiliser indifféremment les deux mots. Ensuite, d'après le dictionnaire, contrairement à une levée, une digue est toujours faite pour retenir l'eau. Et c'est bien pour cela que la levée Ouest du canala été transformée en digue (élevation, renforcement) en 1860, ce qui lui a permis en 1866 de jouer son rôle de rétention l'eau. Toujours dans le même but, l'ouvrage a ensuite été renforcé en 1870 et encore au début du XXème siècle. Et encore en 1970 avec un remblaiement (autoroute) sur une grande moitié de son parcours. Et jusqu'en 2012 elle était considérée comme très efficace, jusqu'à ce qu'on estime que durant un siècle et demi tous les ingénieurs en charge du canal étaient d'une totale incompétence...
D'ailleurs chaque habitant qui connaît la digue n'a aucunement l'impression d'une fragilité, qui certes peut être cachée, encore faudrait-il le démontrer.
A bien y réfléchir, chacun peut se rendre compte que ce qui est affolant, c'est de refuser de discuter des risques d'inondation, qui sont bien réels. D'ailleurs, le directeur de la DDT en parle de façon plus inquiétante que l'AQUAVIT. Ce qui est affolant, c'est d'interdire le sujet, de refuser qu'il soit exposé et discuté de façon transparente, c'est de considérer qu'il est incompréhensible aux citoyens ordinaires et qu'il ne peut être traité que par des experts dont les analyses seraient à la fois simplifiées et incontestables. C'est aussi de refuser de prendre connaissance de cette étude et du fait que ses conclusions n'aient pas été suivies...
P.-S. : Sans surprise, la NR, pour qui depuis fin septembre la digue est déclassée et hors-sujet, a relaté l'emportement du maire en taisant même le motif de son irritation : article du 9 janvier 2016. Ceux qui croient étouffer ce sujet n'y arriveront pas...